4.

Tout au long de la descente, les troncs abattus et les pierres instables avaient entravé la progression des ascensionnistes. Maintenant, les arbres se dressaient plus nombreux. Mais surtout, ce n’étaient plus les mêmes. Ceux-là étaient tout à fait surprenants. Certains avaient des feuilles violettes, d’autres des branches biscornues qui dessinaient au-dessus des têtes des figures extravagantes. Cependant, ces particularités ne les empêchaient pas de constituer une réelle protection pour les ascensionnistes : ces derniers marchaient désormais à couvert sur un sol battu par les pieds de leurs innombrables prédécesseurs, et cela les rassurait.

Au sortir du bois, ils découvrirent un marais, piqueté çà et là d’arbustes aux ramifications pointues comme des aiguilles. Cette fois, les arbres avaient des feuilles qui présentaient des excroissances bizarres. Le chemin qu’ils devaient suivre commençait par contourner le marais puis s’y enfonçait résolument pour réapparaître plus loin, escaladant l’autre versant. À l’endroit où il plongeait sous les eaux, des pierres avaient été entassées, au milieu desquelles deux sillons semblaient avoir été creusés par des roues de chariot. Et on pouvait apercevoir, dessinant une ligne en pointillés entre les deux rives, d’autres tas de cailloux déposés à intervalles réguliers comme l’esquisse d’un sentier que les ascensionnistes avaient tracé au fil du temps.

Avant d’aborder le marais, les gôshi et leurs clients s’étaient tous chargés d’une grosse pierre, au lieu du bois qu’ils transportaient d’ordinaire en prévision du campement. Arrivés sur la berge, ils les jetèrent à l’eau. Elles s’y enfoncèrent mollement, englouties par la vase, hormis la dernière dont un coin resta émergé.

Je me demande s’il finira par y avoir un chemin un jour, à force d’y jeter comme ça des pierres ? se dit Shushô, en déposant la sienne.

Kinhaku était occupé à enrouler des bouts de tissu autour des jarrets du cheval de son client et de ceux de ses suivants, qu’il recouvrait ensuite de bandelettes de cuir bien serrées. Tout en le regardant faire, Shushô se demandait encore si, après tout, ce n’étaient pas eux, lui et Gankyû, qui avaient raison.

Il ne faisait aucun doute que Kinhaku remplissait sa mission avec sérieux et dévouement. Mais s’il avait réellement attiré les yôma pour assurer la sécurité de son client au sacrifice d’autres vies, il y avait quand même de quoi s’interroger : n’était-il pas allé trop loin ? Les gôshi pouvaient-ils à ce point privilégier le sort de ceux qui les engageaient au détriment de tous les autres ?

Tout ça pour amener ces gens au mont Hô… se disait Shushô.

Leurs clients auraient pourtant dû s’insurger contre ces méthodes, eux aussi.

À moins qu’ils ne pensent que les gôshi n’ont pas d’autres choix pour les protéger ? Après tout, les adultes ont peut-être leur propre façon de voir les choses…

— Ah… J’en ai marre… laissa-t-elle échapper dans un murmure.

S’il y avait bien une chose qu’elle détestait, c’étaient ces sentiments brumeux et confus qui la plongeaient dans l’indécision.

C’est quand même grâce aux gôshi, grâce au peuple kôshu que j’ai pu arriver jusqu’ici. Je ne peux pas le nier.

Elle ne parvenait plus à distinguer le bien du mal, le bon choix du mauvais, ce qu’il fallait faire ou ne pas faire. Empêtrée dans ses questionnements, elle suivit sans rechigner les directives que lui donnait Gankyû pour effectuer la traversée. En quelques bonds, le haku et le sûgu franchirent l’étendue marécageuse, et, sitôt parvenus sur l’autre rive, Shushô et ses deux compagnons attendirent les autres ascensionnistes.

Le groupe de Kinhaku fut le premier à entrer dans le marais. Puis celui de Shitsu Kiwa y pénétra à son tour, et quelques-uns de ses hommes, approchant d’un tas de bois mort qui pointait au-dessus de l’eau, se mirent à l’escalader. Aussitôt, l’un d’eux poussa un cri.

Shushô se tourna d’un mouvement vif vers Gankyû.

— Un yôma ? Il y a des yôma dans le marais ?

— Non, répondit Gankyû d’un ton détaché.

De fait, l’homme semblait se plaindre d’une douleur mais n’avait pas l’air effrayé. Un cheval se cabra.

— Mais si, il y a quelque chose ! cria Shushô.

— Oui, des sangsues, d’après les gôshi.

Shushô le foudroya du regard.

— Tu le savais, et tu n’as rien dit ! Comme d’habitude !

— Que je leur dise ou non n’aurait rien changé. C’est pas ça qui aurait fait disparaître les sangsues.

— Tu es vraiment détestable !

— Pourquoi ça ? Parce que je ne leur ai pas dit : « Vous feriez mieux de vous protéger les jambes avec du cuir avant de vous aventurer dans le marais parce qu’il y a des sangsues plutôt voraces là-dedans. » C’est ça ?

— Exactement !

— Oh, qu’elle est gentille ! Et tu peux me dire, alors, comment ils feront, ceux qui ne se sont pas équipés et qui n’ont rien pour se protéger ?

— C’est…

— Je leur dirai avec un grand sourire : « Désolé, les gars, on n’a pas de guêtres en rab, et puis nous, ça nous est bien égal parce qu’on peut traverser sur nos montures. Pas de chance ! » Tu préfères ça, peut-être ?

Shushô le regardait en essayant de maîtriser sa colère.

— Et si on les faisait traverser avec nos montures ?

— Hors de question ! S’ils prennent l’habitude de compter sur nous, on s’en dépêtrera plus. J’ai pas envie de devoir me les coltiner à la moindre difficulté. Et puis de toute façon, en cas d’urgence, s’il faut filer, je ne prendrai que toi.

— Mais…

— Qu’est-ce qui se passe ? intervint Kinhaku qui venait de traverser.

— Y a ma princesse qui veut que j’aille leur donner un coup de main, répondit Gankyû.

— Sans blague !

Shushô poussa un soupir.

— C’est vrai, j’oubliais que l’entraide ne faisait pas partie de vos principes ! lâcha-t-elle d’un ton amer.

Gankyû partit d’un grand éclat de rire.

— Qu’est-ce qu’il y a de si drôle ? demanda Shushô.

— Est-ce que tu sais au moins ce que ça veut dire « s’entraider » ? Pour moi, il y a entraide quand deux personnes peuvent mutuellement se prêter main-forte, parce qu’elles ont toutes les deux des compétences qu’elles peuvent s’échanger. Si c’est toujours la même qui apporte son aide à l’autre, je n’appelle pas ça « s’entraider », j’appelle ça « porter un fardeau ».

Shushô lui jeta un regard méprisant.

— Ça va. Je crois que j’ai compris la mentalité des Kôshu…

 

Après avoir gravi la pente qui bordait le marais, les ascensionnistes débouchèrent sur un terrain dégagé, pareil à ceux sur lesquels ils avaient l’habitude de camper. Les jours rallongeaient. Jusqu’ici, comme ils ne s’étaient guère déplacés qu’en forêt, les occasions de profiter du soleil avaient été rares. Mais ces derniers soirs, on pouvait encore jouir de la clarté du couchant, même après le dîner. Shushô décida d’aller faire un tour.

Les manches retroussées, à cause de la chaleur qui se faisait encore sentir même à cette heure tardive, elle déambula quelque temps, puis se dirigea vers le campement de Shitsu Kiwa. Ses gens commençaient tout juste à préparer le repas. La voiture à cheval et les chariots, objets de tous leurs soins, avaient été rangés sous la tente. À l’extérieur, crépitait un petit feu. Sans doute avaient-ils compris les raisons pour lesquelles les Kôshu évitaient les grandes flambées.

— Oh ! Shushô ! l’interpella Kiwa, assis près du foyer, en l’apercevant. Qu’est-ce qui t’arrive ? Le lit te manque ?

— Non, non. Mais j’ai vu que certains de vos hommes s’étaient blessés, aujourd’hui, dans le marais.

— Ah oui, c’est vrai. Y avait des sangsues plutôt bizarres là-dedans. Ceux qui étaient à pied sont couverts de cicatrices. Sans parler des chevaux… dit-il en soupirant.

— Mais pourquoi n’avez-vous pas demandé conseil aux gôshi ?

Il eut l’air étonné.

— J’ai bien remarqué qu’ils se couvraient les jambes avec du tissu et des morceaux de cuir, mais nous, on n’avait que de la toile pour se protéger. Ça n’a pas suffi malheureusement…

Un grand sourire apparut sur sa face ronde.

— Mais bon, tu as vu le groupe de Chodai ? Eux, ils ont préféré faire un détour et ils sont toujours pas arrivés. J’espère quand même qu’ils seront là avant la nuit !

— En tout cas, moi, si je pensais que Gankyû n’était pas assez compétent, je n’hésiterais pas à demander à ceux qui savent comment éviter les dangers.

— Les gôshi ne nous diront rien.

— C’est pas sûr : Gankyû leur demande souvent des conseils.

— Parce que c’est un chasseur de cadavres. Les chasseurs de cadavres sont les amis des gôshi.

— C’est pas vrai, c’est pas pour ça. Il y en a d’autres qui vont s’informer auprès d’eux. Et je pense qu’il est quand même plus simple d’aller directement leur demander conseil, plutôt que de chercher à imiter bêtement ce qu’ils font. Je suis sûre que si vous leur demandiez, vos hommes pourraient voyager en sécurité.

Kiwa leva les mains au ciel. Des bagues brillaient à ses doigts.

— Écoute, Shushô : j’ai déjà envoyé mes affiliés se renseigner auprès d’eux, mais à chaque fois, ils répondent de manière évasive. J’aimerais bien, moi aussi, pouvoir engager un gôshi, mais c’est plus possible, ils sont tous pris. Et ils doivent s’occuper de leur client jusqu’au retour à Ken, s’ils veulent toucher le reste de leur paye. À un moment, j’ai même pensé en prendre un avec son client dans mon groupe. Je lui ai proposé de venir manger avec nous, de dormir sous notre tente, mais il n’a rien voulu savoir. Ton Gankyû non plus, d’ailleurs.

— Hmm…

— En même temps, je les comprends. Si n’importe qui pouvait apprendre à se déplacer sans danger dans la mer Jaune, ce ne serait pas très bon pour leurs affaires. Je dirais même qu’ils ont besoin de gens comme nous, qui n’y connaissent rien, pour ne pas perdre la face et se faire respecter. Si leurs clients s’apercevaient que les autres peuvent se débrouiller sans l’aide des gôshi, ils refuseraient probablement de leur verser la moitié de leur salaire une fois sortis d’ici.

— Vous croyez ?

— Tu dois sans doute trouver mes paroles un peu dures, non ? Mais c’est comme ça que ça marche, qu’on le veuille ou non.

Shushô fronça les sourcils.

— C’est pour ça que je n’ai pas voulu engager un gôshi. De manière générale, ceux qui travaillent dans la mer Jaune ne se gênent pas pour utiliser ce genre de procédé un peu douteux. Mais on ne peut pas leur en vouloir : après tout, c’est la loi des affaires ! Seulement, si je devais me rendre au mont Hô en me mettant sous la protection de ces gens-là, je crois que je n’oserais plus regarder le kirin de Kyô en face. Alors, je me débrouille comme je peux, par mes propres moyens.

Il conclut son exposé par un grand sourire et demanda à Shushô s’il pouvait faire quelque chose pour elle, si elle n’avait besoin de rien. Au moment où celle-ci lui répondait par la négative, des voix résonnèrent sur le campement. Le groupe de Chodai venait enfin d’arriver.

Shushô se releva, salua Kiwa et alla les rejoindre. Sur le trajet, elle aperçut des gôshi en train de se disputer avec quelqu’un, mais elle n’y prêta pas attention et se dirigea droit vers Chodai.

— Monsieur Ren…

L’air passablement irrité, celui-ci s’activait déjà à donner des directives à ses hommes pour le montage des tentes. Il se retourna et fronça les sourcils aussitôt qu’il aperçut Shushô qui venait à lui.

— Qu’est-ce qu’il y a ?

— Vous avez réussi à trouver un autre chemin ?

— Ah… Oui… balbutia-t-il.

Certains, parmi ses suivants, gémissaient en se tenant les jambes. Apparemment, ils n’avaient pas pu contourner totalement le marais.

— Les gôshi connaissent bien la mer Jaune. Pourquoi vous ne leur demandez pas conseil ?

Il se renfrogna davantage.

— L’Empereur céleste n’a que faire de celui qui n’est pas capable de voyager sans le secours d’autrui.

— Mais vous serez bien avancé si vous mourez en chemin. En suivant les conseils des gôshi ou même seulement en imitant ce qu’ils font, vous pourriez éviter certains dangers, non ? C’est d’ailleurs ce que fait monsieur Shitsu. Et il y a eu beaucoup moins de blessés ou de tués dans son groupe que dans le vôtre.

Le coin de l’œil de Chodai fut pris d’un tremblement nerveux.

— Sous-entendez-vous que je puisse être inférieur à Kiwa ?

— Oh non, pas du tout. Ce n’est pas ce que j’ai voulu dire.

— Sachez, mademoiselle, que je franchirai la mer Jaune sans l’aide de personne. Et ce faisant, je montrerai à tous que le roi, c’est moi.

— Ah, bien… s’écria Shushô en se raidissant, votre détermination est très courageuse, monsieur, mais je plains vos suivants : c’est eux qui risquent d’en faire les frais !

Puis elle tourna les talons et s’éloigna, les poings serrés.

Elle se fichait pas mal des déclarations bravaches de Chodai, elle voyait bien qu’il y avait contradiction entre ses idées de vertu royale et le fait que seuls ses gens avaient été blessés. Il les avait probablement envoyés en éclaireurs dans le marais pour chercher un meilleur passage.

— Le roi se doit d’être un homme éminent ! lança Chodai sur un ton qui trahissait son agacement.

Shushô s’arrêta et se retourna vers lui.

— Et c’est même, que je sache, l’homme le plus éminent du royaume, continua-t-il. Eh bien, apprends que l’homme supérieur ne s’agenouille jamais devant personne !

— Mon maître d’école disait pourtant que celui qui n’est pas capable de respecter les autres ne s’en fera jamais respecter.

— Tu me demandes donc à la fois de témoigner du respect envers les gôshi et de les imiter, comme le fait Kiwa ? Ce n’est pas très logique, il me semble. J’admets que les gôshi connaissent la mer Jaune. C’est d’ailleurs cette connaissance qui leur vaut leur statut de gôshi. Mais c’est bien parce que je les respecte que je veux faire l’effort d’apprendre par moi-même à voyager en sécurité dans la mer Jaune, comme ils savent le faire, plutôt que de les singer au prix de flatteries humiliantes.

Shushô observait le maigre visage de Chodai qui poursuivit :

— Moi, je respecte leur connaissance, mais eux, ils n’ont pas pour autant l’intention d’en faire bénéficier ceux qui ont des difficultés. Je ne leur ai jamais demandé de nous aider, mais je pense quand même que ceux qui connaissent bien la mer Jaune devraient en faire profiter les autres.

— Ça… je suis bien d’accord avec vous.

— Cependant, les gôshi doivent protéger leurs clients et eux seuls, il est donc inutile de se plaindre. Puisque ceux qui méconnaissent la mer Jaune ont besoin d’aide et que les gôshi s’y refusent, alors c’est à moi de le faire. C’est pourquoi je m’efforce de redécouvrir par moi-même ce que les gôshi savent.

— Ce ne serait pas plus simple de leur demander directement ?

— Attends-tu de ton maître d’école qu’il se contente de te donner directement la solution à un problème ?

— ... Oui, c’est vrai. Vous avez raison, soupira-t-elle. Excusez-moi de vous avoir importuné avec mes questions.

Elle fit demi-tour et s’en alla. Sur le chemin du retour, elle aperçut Rikô qui venait à sa rencontre.

— Je vous informe qu’il fait déjà presque nuit, mademoiselle. Gankyû est dans une colère noire !

— Eh bien, on s’excusera ! répondit-elle d’un ton sec.

Pourquoi devrait-il s’excuser, lui aussi ? Mais la mine soucieuse qu’elle affichait le dissuada de lui poser la question. Ils marchèrent en silence. Shushô poussa soudain un profond soupir.

— Qu’est-ce que tu as ?

— Toutes ces choses… C’est compliqué…

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